La seconde exposition organisée sous le sceau d’ Avant-Propos accueille une sélection de productions de Samuel François. Originaire de l’ancien bassin sidérurgique Lorrain, le plasticien partage son temps entre un petit village à la frontière franco-luxembourgeoise et les replis du Massif de l’Esterel.
Samuel François travaille avec un large éventail de médiums, installation, sculpture et vidéo, en s’attachant à des objets « fabricateurs d’histoire », jeans, cirés de pêche, mobilier, fonds de poche… Il leur délègue leur propre transformation, usés pas le temps, marqués par le hasard, délestés de détails. Sa pratique se construit autour d’investigations dans les domaines du paysage, de récits et/ou anecdotes, de questionnements autour d’objets fonctionnels qui accompagnent nos vies. Ce déplacement subjectif et la charge historique contenue dans chacun d’eux pose la question de l’archéologie de l’objet, de son origine, et de la distorsion temporelle et culturelle qui tend à faire glisser le sens de l’objet de la fonctionnalité à la décoration.
Au quotidien les mêmes actions se succèdent comme autant de gestes qui constituent des routines : traverser, observer, documenter, collecter, archiver, organiser. Se déplacer d’un point A à un point B, sans raisons particulières, ne pas chercher pour ne pas avoir à trouver. Flâner, à travers la dérive, accueillir les détails, les fragments, les reliefs, les courants d’air, suivre la sente ou s’essouffler sur la route. L’espace de l’atelier semble s’être dilué dans cette dérive. Des échos de ces observations refont surface ou s’accumulent, proposant des effleurements ou vis à vis de surfaces dans les espaces de travail. Il crée ainsi des œuvres singulières, en deux et trois dimensions, qui ont de fortes références les unes aux autres et se caractérisent par leur aspect sériel. Les distorsions géométriques, les erreurs et les inexactitudes sont les thèmes de ses compositions, qui ne sont pas consciemment contrôlées, mais résultent plutôt d’elles-mêmes et sont acceptées comme telles.
Dans une exposition, un conte ou une histoire se déroule, l’intrigue reste cependant indéterminée. Proposer une exposition est un travail sérieux. Écrire sur une exposition aussi. Exercice périlleux quand celle-ci n’existe pas encore. 3 murs, une vitrine, une porte, l’espace du 32 rue des Bons Enfants à Rouen comme un écho de 12m2 d’un des deux espaces de travail de l’artiste. Une pièce où sont entreposés pour des périodes plus ou moins longues et depuis plus où moins longtemps des travaux. Une toile sur châssis perforée à Berlin en 2010, un toile libre tachetée à Los Angeles en 2015, une chaise esquissée pour Cologne en 2018. Autant de formes qui donnent à penser l’écologie et l’économie du plasticien mais aussi le rapport entretenu avec ses objets. Pour Avant Propos, les sculptures, les tableaux exposés sont passés par différents états sans plans pré-existants. Depuis plusieurs années Samuel François semble nourrir une fascination pour la figure romantique du peintre, il vit avec une peintre, il partage beaucoup de son temps avec des peintres, ce médium semble lui résister alors que d’habitude il use de subterfuges pour convoquer l’objet tableau, ici il se colle à l’exercice d’appliquer des fines couches de peintures qui finissent par figer un brouillard sensible. Et lorsqu’il se décide à « peindre », ses habitudes le rattrapent et il finit pas perforer les surfaces colorées de coton tendu, créant des ouvertures, motifs récurrents de ses dernières séries de tableaux.
Samuel François manipule les choses, leur sens, avec joie et pas de coté. Il joue dans l’espace, comme lorsqu’il décide d’accrocher des tableaux à hauteur de chat pour l’exposition Léonard à Bruxelles. Ici pas de chat mais on retrouve trois petits formats qui flirtent avec nos souliers, avec ses sneaker usés, posés au sol semblant signifier une présence et témoigner des centaines de milliers de pas parcourus en compagnie de ses travaux. Une chose que la création peut faire est d’intégrer les objets dans nos vies, accepter leur charge, leur forte sentimentalité, leur attention, simplement en les déclarant comme art. Les objets ne deviennent plus notre problème et les qualités de ceux-ci ne sont pas acquises de manière définitives.
Long Distance c’est l’histoire d’une relation avec des formes qui se déploient sur plus de dix années. Samuel François suscite des questions telles que : où commence et où finit un espace ; quelles sont les relations entre les points de vue, les idées et les perspectives ; quelle est la relation entre la surface et le volume ; et joue avec la perspective physique et la perception mentale du spectateur dans un lieu.
The second exhibition organized under the Avant-Propos banner features a selection of works by Samuel François. A native of the former Lorraine iron and steel basin, the visual artist divides his time between a small village on the Franco-Luxembourg border and the folds of the Estérel mountains.
Samuel François works with a wide range of media, including installation, sculpture and video, focusing on objects that “make history”: jeans, fishing oilskins, furniture, pocketbooks… He delegates to them their own transformation, worn by time, marked by chance, stripped of detail. His practice is built around investigations into landscape, stories and/or anecdotes, and questions the functional objects that accompany our lives. This subjective displacement and the historical charge contained in each of them raises the question of the archaeology of the object, its origin, and the temporal and cultural distortion that tends to shift the meaning of the object from functionality to decoration.
On a daily basis, the same actions follow one another like so many gestures that constitute routines: crossing, observing, documenting, collecting, archiving, organizing. Moving from point A to point B, for no particular reason, not looking so as not to have to find it. Wander, drifting, taking in details, fragments, reliefs, air currents, following the trail or getting out of breath on the road. The studio space seems to be diluted in this drift. Echoes of these observations resurface or accumulate, proposing brushstrokes or vis à vis surfaces in the workspace. He thus creates singular works, in two and three dimensions, with strong references to each other and characterized by their serial aspect. Geometric distortions, errors and inaccuracies are the themes of his compositions, which are not consciously controlled, but rather result from themselves and are accepted as such.
In an exhibition, a tale or story unfolds, but the plot remains undetermined. Proposing an exhibition is serious work. So is writing about an exhibition. A perilous exercise when it doesn’t yet exist. 3 walls, a showcase, a door, the space at 32 rue des Bons Enfants in Rouen as a 12m2 echo of one of the artist’s two workspaces. A room where works have been stored for varying lengths of time. A perforated canvas on stretcher in Berlin in 2010, a mottled loose canvas in Los Angeles in 2015, a chair sketched for Cologne in 2018. All of these forms reflect the artist’s ecology and economy, as well as his relationship with his objects. For Avant Propos, the sculptures and paintings on show have gone through various states without pre-existing plans. For several years now, Samuel François seems to have nurtured a fascination for the romantic figure of the painter: he lives with a painter, he shares much of his time with painters, this medium seems to resist him, whereas he usually uses subterfuge to summon the painting object, here he sticks to the exercise of applying thin layers of paint that end up freezing a sensitive mist. And when he decides to “paint”, his habits catch up with him and he ends up perforating the colored surfaces with stretched cotton, creating openings, recurring motifs in his latest series of paintings.
Samuel François manipulates things, their meaning, with joy and side-stepping. He plays with space, as when he decided to hang paintings at cat-height for the Leonardo exhibition in Brussels. Here, no cat, but three small formats that flirt with our shoes, with his worn sneakers on the floor, seeming to signify a presence and bear witness to the hundreds of thousands of steps taken in the company of his work. One thing creation can do is integrate objects into our lives, accepting their charge, their strong sentimentality, their attention, simply by declaring them art. Objects no longer become our problem, and their qualities are not definitively acquired.
Long Distance is the story of a relationship with forms that stretches over more than ten years. Samuel François raises questions such as: where does a space begin and end; what are the relationships between points of view, ideas and perspectives; what is the relationship between surface and volume; and plays with the viewer’s physical perspective and mental perception of a place.