Panis
Céline
Le Guillou
Née en 1994, Céline Le Guillou obtient un DNAP en 2015 à l’ESAAA  (école supérieure européenne de l’agglomération d’Annecy) puis un DNSEP en 2018 à l’EESAB (école européenne supérieure d’art de Bretagne ) site de Quimper. Elle y développe un corpus de sculptures et un travail de peinture d’inspiration essentiellement form...aliste. Telle une réponse à sa croyance en une intériorité de la matière-même, en un mouvement interne qu’il s’agirait de venir révéler, Céline Le Guillou, à la suite de son diplôme à l’EESAB de Quimper, se perfectionne dans les techniques de la terre dans le cadre d’une formation longue à l’Institut européen des arts céramiques (IEAC, Guebwiller). Elle effectue ensuite plusieurs projets d’expositions et de résidences en Bretagne, notamment au centre d’art Passerelle (Finistère), à Minoterie21 (Morbihan) et au Frac Bretagne (Ile et vilaine). Elle remporte en 2023 le prix art Norac et profite ainsi d’une résidence de 6 semaines à l’instituto Inclusartiz (Rio de Janeiro) qui donne suite à une première exposition à l’international. L’artiste est maintenant installée en Normandie, dans la baie du Mont-Saint-Michel.
 
La démarche de Céline Le Guillou s’articule autour de différents matériaux qui stimulent son approche sensible de la matière, qu’elle considère comme une altérité. L’artiste se laisse guider par les propriétés de chaque matériau qu’elle emploie. Par leur hybridation ou en les confrontant, elle développe un attrait pour le transitoire et l’entre-deux donnant la sensation d’un vivant pouvant aller de l’abject au séduisant. Elle obtient par des jeux de couleurs et de textures des effets de déroute du regard qui se retrouvent également dans son travail de peinture. Celui-ci suggère une interprétation illustrée de son rapport à la matière dans lequel elle brouille les notions de plans par la superposition de glacis et d’aplats. Dans son travail, Céline Le Guillou tend à donner une forme a ce qui est invisible, impalpable, ou en mouvement dans le monde du vivant, dans une tentative d’unification des règnes et de remise en questions des catégories à travers lesquelles voyons le monde.
 
Son approche sensible de la matière se manifeste par des procédés d’observation et d’analyse qui s’apparentent à certains principes de la représentation du vivant dans les sciences naturelles (cires anatomiques, coupes, schémas didactiques…), ou plus généralement à l’univers de l’imagerie scientifique. Elle opère des vas-et-vient entre ses intuitions et ces références formelles. Jusqu’alors ces questionnements se concrétisent en installations où des volumes s’érigent dans l’espace, adoptant des postures qui les font se répondre mutuellement , et faisant écho au travail de peinture à l’huile et d’aquarelle.

2024

Avant-propos, Rouen, France, Talweg

Instituto Inclusartiz, Rio de Janeiro, Brésil, Sambaqui

2023

Chapelle de la congrégation, Peillac, France, Le comportement des choses

2022

CAC Passerelle, Brest, France, Les Forces Heureuses 

2023

Frac Bretagne, Rennes, France, Exposition des finalistes du prix Frac – Art Norac

2022

Musée de la faiencerie, Sarreguemines, France, Made in IEAC

Ancienne usine Péchiney, Laval-de-Cère, France, Traces éventuelles de graisse

2021

La Station, Nice, France, La grande diagonale

Château de la Nuenbourg, Guebwiller, France, Tadam

2020

Galerie Epice, Daejeon, France, Reflet

2019

Galerie Pictura, Cesson-Sévigné, France, Emergence

Galerie Louarn, Poullan-Sur-Mer, France, L’herbe qui pousse sur nos doigts vient de la terre qui existe sous nos doigts

2018

EESAB, Quimper, France, Demain c’est loin

2016

Les Abords – UBO, Brest, France, Nightfall (Restitution de la résidence menée à bord du B.O.A.T.®)

Talweg, a solo exhibition by Céline Le GuillouTalweg, a solo exhibition by Céline Le Guillou05/07/2024 - 27/07/2024Avant-propos, Rouen (fr)32 rue des Bons Enfants, Rouen (France)
« Un léger vertige »Par Evelyne Toussaint

Roland Barthes, commentant des Reliquaires (1957) de Bernard Réquichot,  écrivait « N'est-ce pas le magma interne du corps qui est placé là, au bout de notre regard, comme un champ profond ? ». Ainsi, dans quelques-unes de ses œuvres – Bad tripes, 2022 – Céline Le Guillou invente des formes qui mettent la profondeur à portée de regard et de main, des choses indécidables, monochromes –  Jusqu’à l’os, 2022 – ou aux couleurs fondues et glaçures lisses qui insinuent le trouble dans nos perceptions, appelant la caresse tout en instaurant un léger vertige. Elle explore, sur le même registre, les profondeurs infinies du dessin et de la peinture, mêlant boue, cire, huile et pigments, en d’étranges topologies – Sciatique Heaven, 2022 – où la matière se déploie en formes fluides et incontrôlables.

Du côté du corps dans l’histoire de l’art, on peut sous cet angle penser au gisant d’entrailles de Jeanne de Bourbon à la basilique Saint-Denis, son sac de viscères à la main, dont on devine les formes, ou bien au somptueux Bœuf écorché de Rembrandt, qui donne à voir les méandres colorés du dedans. Et l’on pourrait y associer les sculptures molles de Claes Oldenburg ou le sublime viscéral de Robert Morris, les objets organiques en latex translucide de Eva Hesse, les formes libres, colorées et inquiétantes de Franz West, les petits mondes parallèles d’Hélène Garache, ou encore les objets de mémoire de Tatiana Trouvé, dont l’apparente souplesse est faite de marbre ou de bronze. On verra aussi dans le travail de Céline Le Guillou l’histoire des sciences de la vie et de la terre : planches de dissection, bustes anatomiques aux reliefs modelés et démontables, imagerie médicale high tech, cartographies, coraux et branches, terres et pierres. Car la frontière est incertaine entre l’intérieur et la surface, mais aussi entre le corps – peau, sexe, squelette ou viscère – et la chose (Position, 2018 ; Arrières-trains, 2018).

D’ailleurs, si les choses d’argile, de résine ou de papier mâché qu’elle modèle, semblent quasi autonomes, sécrétant leur propre forme dans l’espace – Allusive, 2018 –, ce n’est pas tant sur le mode formaliste des coulées de polyuréthane expansé que créait César dans les années 1970, que selon un nouveau rapport au vivant et au monde en général, qui nous conduit désormais à reconsidérer nos certitudes surplombantes.

Sa récente résidence à Rio de Janeiro a fourni de nouveaux matériaux à sa démarche d’exploration et de déhiérarchisation du vivant, qu’il s’agisse d’emprunts de déchets végétaux trouvés dans la forêt de Tijuca, ou de solidarité avec les femmes paysannes de Gamboa inventant, face aux désordres et à la violence du monde, une production agroécologique.

En 1929, Yves Tanguy donna pour titre À quatre heures d'été, l'espoir, à l’une de ses toiles figurant un espace imaginaire dont on ne sait s’il est d’air ou d’eau, une sorte de « soupe primordiale » d’où pourrait émerger un monde nouveau. C’est à cette œuvre que me font penser les peintures – Osmose, 2023 – de Céline Le Guillou. des espaces d’air et d’eau, de paysage et de corps, à l’orée d’un possible auquel elle nous convie.

Pour « Talweg »  – le mot pouvant désigner une ligne imaginaire reliant les points les plus bas d'une vallée, ou bien un creux barométrique entre deux zones de hautes pressions –, elle instaure un dialogue des pièces entre elles, avec le lieu, et avec le regardeur. Toute une collection d’objets « à vivre », comme autant de fragments d’un monde où le banal, le mineur et l’hétérogène se recomposent sans fin en d’insolites paysages.

« Prix du FRAC Bretagne »Par Horya Makhlouf
  Il y a dans la terre une source d’inspiration infinie, que des millénaires de création n’ont heureusement toujours pas su tarir. Elle était là, paraît-il, avant tout le reste, et restera là, dit-on, après tout. Céline Le Guillou en a pris son parti. Si la cohabitation ne dure qu’un long moment, autant le rendre agréable. Alors, de ses deux mains curieuses et passionnées, elle masse sa chère terre, la palpe, la berce et l’examine, la couve et fait monter la température jusqu’à trouver celle qui lui conviendra le mieux. Tendrement, elle la mélange, l’expérimente, écoute son pouls et teste ses réflexes, lui fait essayer des positions jusqu’à choisir celles à travers lesquelles elle se partagera le mieux. Au sol, elle grouille en de petits monticules lisses qui empruntent leurs formes aux nuages, à un poids ou à une miche de pain, tout aussi prête à s’élever jusqu’au ciel, qu’à s’ancrer fermement sur le sol ou à remplir nos estomacs. Sur les murs, elle se mélange à l’eau, se transforme en peinture, liquide, vaporeuse, comme pour signifier les états qu’elle peut prendre lorsqu’elle est tranquillement retirée dans son four, à attendre que l’artiste vienne la récupérer. Ouvrir la porte et la retrouver, transformée, toujours inattendue. L’installer partout, pour la composer avec les matériaux qu’elle trouvera sur son chemin. Céline Le Guillou retrouve dans son atelier un instinct presque primaire, où les doigts et les yeux précèdent les mots, où la faim de création n’est jamais repue, où le tout se découvre et se mélange en une joyeuse maturation avant de trouver la meilleure manière d’habiter le monde autour. Il y a dans la terre une source de mystère infinie ; chez Céline Le Guillou un appétit insatiable. Et les deux de se rencontrer avec délice. Il y a dans la terre un peu de tout ce qui l’entoure, l’habite et la recouvre, le temps de cette agréable cohabitation. Ce sont ces intrants et ces composants spontanés et presque magiques que l’artiste s’évertue à répertorier au fur et à mesure de ses manipulations. Au détour du parcours, le corps humain croit apercevoir certains de ses membres, manque de trébucher ou de faire tomber, hésite à s’approcher, à toucher, à palper à son tour. Il reconnaît et s’inquiète, bercé par la douceur et l’étrange inconnu avec lesquels la sculptrice passionnée a agencé son espace. Un espace liminal en vérité, dans lequel le familier et l’inconnu n’attendent qu’un pas pour se rencontrer et faire de l’espace qui les relie un véritable lieu à soi.
« Vivre d’amour et de terre fraîche »Par Horya Makhlouf

Il paraît qu’au commencement était la terre. L’incipit est connu. Il a donné suite à bien des récits : nombre d’entre eux sont des histoires d’amour. Il y en a une, en art, qui se raconte depuis l’Antiquité, et s’articule autour de Pygmalion et Galatée. Un antique sculpteur, talentueux et un peu forceur, s’enticha vivement des formes d’une femme qu’il était en train de tailler de ses propres mains. Dans la matière, langoureusement, il cisaillait les courbes et la chair, la pulpe et les sillons, tombant en amour devant la sculpture qu’il élevait. Chagriné de ne pas la voir s’animer pour de vrai, l’amant transi invoqua Aphrodite. La déesse, attendrie, exauça son souhait, et insuffla la chaleur de la vie humaine à la terre désespérément frigide. Ovide raconte la fabuleuse métamorphose dès le Ier siècle de notre ère ; nombre de sculpteur·ice·s jusqu’à aujourd’hui ne s’en sont toujours pas remis·e·s.

Au commencement il y a la terre, et nombre d’histoires d’amour y trouvent leurs racines. Il y en a une, plus récente mais au moins aussi merveilleuse, qu’a articulée Céline Le Guillou entre les murs du CAC Passerelle. Le conte qu’elle y a mis en scène est un remake d’Ovide en même temps qu’une correction. Il met à jour un poncif bientôt éculé, autant qu’il offre un nouveau chapitre à l’histoire, romantique et conflictuelle, qui lie les sculpteur·ice·s de toutes les époques à leur matière première. Dans ses formes de céramique, de terre et de porcelaine, le long de ses structures de bois et de ses toiles de lin, ou bien encore par-dessus les tissus qu’elle a pendus comme des pièges le long du parcours et jusque dans les couleurs giclées sur les murs, Céline Le Guillou dévoile les aventures qu’elle a multipliées dans son atelier, et les vies qu’elle et ses matériaux y ont enfantées.

Ce que la mythologie ovidienne a longtemps laissé penser, l’artiste le contredit avec malice : la terre n’est pas si docile et aucun sculpteur n’est tout-puissant. Dans les entrailles de la matière croissent des formes et des êtres qui ne se contrôlent jamais entièrement. Le dénouement n’est pas tragique pour autant : il n’y a ici que des « forces heureuses » qui accompagnent l’artiste et ses fidèles colombins – ces rouleaux de terre à partir desquels toute sculpture commence – au fur et à mesure de leurs péripéties.

Il faut des tripes pour avancer, et ce sont elles que l’aventureuse sculptrice a décidé d’offrir aux yeux du monde, sur des plateaux de bois ou entre deux plaques de cire. Digne héritière de Judith tranchant la tête d’Holopherne, Céline Le Guillou a tranché les petits corps que lui ont donné la terre, le grès ou la porcelaine. Approchez et observez ces intestins onctueux, tantôt lisses et brillants, tantôt mats et granuleux, prêts à dégouliner hors de leur peau fragile, découpés comme du beurre dans leur « pain » de terre. Le nuancier pastel se décline à l’envi mais laisse bientôt place au marronâtre et au rougeâtre, dans une transition habilement ménagée qui empêche les entrailles de se nouer. Tournez autour de cette tranche de corps monstrueux et terreux, prise entre deux membranes vitrifiées, sanguinolente mais tranquille dans sa nouvelle chrysalide. Est-ce une oreille, une crevette, un repas prédigéré ou bien encore le vestige d’un laboratoire d’anatomie ? Quelle mue ce corps prépare-t-il ? Sur la table lumineuse, tout au fond de l’espace : les coulisses et le billard d’opération-dissection. Il y a, là encore, de la chair, de la pulpe et du sillon, mais aussi du liquide, du déchet, du rejet, du cru et du cuit, des dégoulinures et des craquelures, des sécrétions et des vergetures. Des choses que la mythologie ne préfère pas nommer mais qui révèlent ce que Pygmalion n’a pas voulu voir : la terre était déjà vivante avant qu’on ne se mette à la palper. Céline Le Guillou le sait, et ne partage donc pas le chagrin de son prédécesseur. Elle prend la suite de l’histoire comme un jeu, dont elle affiche clairement les règles. Celui-ci n’est plus binaire, et nul n’en sortira vainqueur tout·e seul·e. L’amour est affaire de collaboration et d’équilibre, qu’il a fallu trouver entre tou·te·s les pseudo-adversaires, pour insuffler non plus la vie – finalement déjà là – mais le bonheur – ô combien plus difficile à atteindre. Il y a de la jouissance dans les vallons et les bosses, les courbes et les contre-courbes ménagées par l’artiste. Et si l’amour est un jeu, la sculpture aussi, qui s’incarne ici dans une palette de couleurs douces et pastels, artifice espiègle pour figurer le gore et le monstrueux sans que l’on ne s’en effraie pour autant. À l’horreur, l’artiste préfère l’étonnement, qu’elle suscite avec autant de politesse que de calcul, guidant nos corps et nos regards – car c’est sur eux qu’elle a réellement prise – le long des transmutations auxquelles elle et ses comparses d’atelier minéraux ont abouti.

Céline Le Guillou n’a rien à envier à l’antique, question métamorphose. Composant avec les flammes du four à céramique, les liens qu’entretiennent depuis toujours la peinture et la sculpture, mais aussi les codes de monstration de l’installation muséale, l’artiste a multiplié les stratégies pour faire avancer ses pions. Ici et là, elle a placé des poches, des formes biomorphiques et des organes, qui ont évolué et engendré à leur tour leur propre répertoire de gestes, et toute une généalogie de petits corps, au hasard des manipulations magiques. Alchimiste du temps présent, Céline Le Guillou a mélangé les oxydes et la chamotte, les intrants et les émaux ; elle a superposé les couches de pigments et multiplié les cuissons ; elle a joué avec le feu et les éléments, jusqu’à trouver la seule formule qui vaille vraiment la peine d’être révélée : celle pour composer avec des vies qu’on ne pourra jamais vraiment maîtriser.

Et alors ? Que les cœurs évacuent leur peine ; à quoi bon vouloir tout dominer ? Comme d’une mère pas trop possessive, d’une amante pas trop jalouse, d’une sculptrice – enfin – plus trop forceuse, Céline Le Guillou a réussi à accepter de laisser vivre tranquille les petits êtres dont elle s’est entourée. Et le monstrueux, alors, de laisser libre cours à la gaffe, la balourdise, à ce petit rire imprévu venu dégonfler tout le sérieux qu’on voulait absolument prêter aux histoires d’amour et de l’art. Dans un coin de la première salle d’exposition, un petit corps de papier mâché rose et duveteux, aussi grotesque dans sa forme que dans sa position, est comme coincé dans une haute structure faite de tiges de bois. L’amour et la sculpture, c’est aussi ça : se prendre des râteaux, parfois, mais réussir à en faire une force, heureuse, qui permettra de trouver le meilleur équilibre.

« Sans titre »Par Marie Chênel

Née en 1994, Céline Le Guillou développe un travail de peinture à l’huile et de sculpture d’inspiration essentiellement formaliste. Attentive à ce qui se joue dans l’atelier, à l’acte de création en tant que tel, sa démarche est sous-tendue par l’attention donnée aux matériaux qu’elle mobilise. Il s’agit de leur laisser la liberté de s’exprimer ; d’accompagner la matière œuvrée sans lui enlever « la responsabilité́ de s’organiser par elle-même ». L’artiste affirme ici une position d’intermédiaire. Maïeuticienne à l’écoute intuitive, elle est celle qui, par le truchement de ses gestes, favorise le passage d’un état à un autre. Ses expérimentations donnent naissance à des assemblages de diverses tailles, le plus souvent réalisés à partir de l’agencement d’éléments récupérés, retravaillés. Après les avoir beaucoup employés, elle se détourne progressivement de matériaux synthétiques – mastique polyester, mousse extrudée – au profit d’autres matériaux d’origine plus naturelle – bois, cire, résine acrylique, tissus et plâtre. Surtout, telle une réponse à sa croyance en une intériorité de la matière-même, en un mouvement interne qu’il s’agirait de révéler, Céline Le Guillou, à la suite de son diplôme à l’EESAB de Quimper, se perfectionne dans les techniques de la terre dans le cadre d’une formation longue à l’Institut européen des arts céramiques (IEAC, Guebwiller).

À l’heure de ces lignes, Céline Le Guillou crée des œuvres uniques lesquelles, sans être régies par une approche en séries, semblent mutuellement se répondre une fois réunies au sein d’un espace. Comme une volonté d’étendre les possibilités des matériaux, d’en flouter les textures tout en voilant leur origine, elle en recouvre certains d’enduits ou de cire, voire les enveloppe de tissus encollés. Elle qui apprécie le transitoire et l’entre-deux, goûte les effets de déroute du regard ainsi provoqués, autant que le paradoxe instauré par l’alternance entre des formes d’inspiration organique et d’autres plus géométriques, abstraites. Ce penchant pour la contradiction – ou la complémentarité, c’est selon – se retrouve dans la gamme chromatique de ses œuvres peintes comme sculptées. Ainsi, les tons pastel (avec une prédominance des jaunes, bleus, roses) font danser les formes rondes, tandis qu’en contrepoint, les éléments géométriques aux bords plus francs tranchent de leurs notes foncées. C’est parfois le socle, partie intégrante de la plupart de ses sculptures, qui véhicule ce contraste formel tout en permettant de faciliter la lecture d’ensemble. Outre leurs titres, quelques mots gardés secrets accompagnent certaines pièces, que l’artiste personnifie volontiers lorsqu’elle en parle. Sans préexister à leur création, ils constituent au contraire une manière de mettre en récit les sensations qui l’ont dirigée.