Panis
Olivier
Kosta-Théfaine
Né en 1972, celui qui se définit comme un “peintre de paysages” explore la ville par ses marges. Lorsqu’il se déplace dans l’espace urbain, Olivier Kosta-Théfaine est à la recherche des éléments qui nous échappent. Dans sa volonté de réhabiliter l’inintéressant ou le connoté, l’artiste replace dans le champ de la poésie le rapport de fo...rce souvent inextricable que nous entretenons avec la ville. Son intérêt pour le détail le guide dans ses déplacements et nourrit une banque d’images. Se considérant lui-même comme un pur produit de la ville, il se joue des clichés et transforme les références communes. Le classique est détourné au travers des techniques d’un “vandalisme cheap”, ainsi lorsqu’il compose sur les trois coupoles du Palais de Tokyo un ciel calciné au briquet, inspiré des fresques des palais italiens, les graffiti des plafonds de son adolescence prennent alors les airs de peintures de la Renaissance.
 
Artiste autodidacte, ancien pensionnaire de la Villa Medicis (2016-2017), son travail a entre autres, été exposé au Domaine Vranken Pommery (2018 et 2021), à la Galleria Nazionale d’Arte Moderna – GNAM (2017), au Palais de Tokyo (2016), à l’Abbaye de Maubuisson (2012), au Musée Cognacq-Jay (2011), à la Fondation Cartier (2009), et a intégré les collections du Fonds Départemental d’Art Contemporain de l’Essonne (2013) et du Fonds Municipal d’Art Contemporain de la ville de Paris (2011).

2024

Avant-propos, Rouen, France, Almost seul-tout (texte de Guillaume Lasserre)

2023

Römisches Haus, Weimar, Allemagne, Museum (commissariat : Marius Hoppe & Bauhaus Museum Weimar)

2022

Chapelle du Quartier Haut, Sète, France, Ciel noir, mer noire (production : Mécènes du Sud, texte : Julien Fronsacq)

2020

Hangar 107, Rouen, France, Cette sorte de sourire que sont parfois aussi les fleurs au milieu des herbes graves (une proposition de Nicolas Couturieux, texte de Guillaume Lasserre)

2019

Eva Hober, Paris, France, Une île (texte de Julien Fronsacq)

2018

La Chapelle des Dames Blanches, La Rochelle, France, Aria di Roma
Rabouan-Moussion, Paris, France, Aria di Roma (texte de Julien Fronsacq)

2017

Académie de France à Rome / Villa Medicis, Gipsoteca, Rome, Italie, Girovangando…

2016

Académie de France à Rome / Villa Medicis, Atelier del Bosco, Rome, Italie, Herbier (Notte Bianca)
Palais de Tokyo, Paris, France, Soffitto (commissariat : Hugo Vitrani)

2015

Mons 2015, Capitale Européenne de la Culture, Thuin, Belgique, Herbarium,
(Installation pérènne, commissariat : B.P.S.22,
production : Centre Culturel de Thuin Haute-Sambre)
Art Rotterdam, Rotterdam, Pays-Bas (avec Jeanrochdard)
Steinsland Berliner, Stockholm, Suède, Géographie

2014

Jeanrochdard, Bruxelles, Belgique, Like/Share
Art Brussels, Bruxelles, Belgique, Olivier Kosta-Théfaine / Samuel François (avec Jeanrochdard)

2013

Jeanrochdard, Paris, France, En Flânant…
Le Pilori, Niort, Panorama
Maison Patronale des usines Boinot, Niort, France, Jardin

A.L.I.C.E., Bruxelles, Belgique, Détails d’une rue

2012

Abbaye de Maubuisson – Grange aux Dimes, Saint-Ouen-l’Aumône, France, Sculptures
Steinsland Berliner, Stockholm, Suède, Monde sauvage

2011

Jeanrochdard, Paris, France, Monde sauvage
Musée Cognaq-Jay, Paris, France, Jardin (Nuit Blanche)

2010

Cripta747, Turin, Italie, Monde sauvage

A.L.I.C.E., Bruxelles, Belgique, Monde sauvage

2009

Cripta747, Turin, Italie, W
Chapelle des Calvairiennes, Le Kiosque, Mayenne, France, Une petite histoire centrale

2007

A.L.I.C.E., Bruxelles, Belgique, Glitter

2005

Galerie Octave Cowbell, Metz, France, Burn baby burn!

2023

Palais de Tokyo, Paris, France, La morsure des termites (commissariat : Hugo Vitrani)

2022

Laurent Strouk, Paris, France, Inti Punku (commissariat : Baptiste Ozenne)

2021

La Fab – Fonds de dotation Agnès.b, Paris, France, Graffiti et Agnès.b : 1985-2021 (commissariat : Agnes.b)

Domaine Vranken Pommery, Reims, France, Blooming (commissariat : Nathalie Vranken, Catherine Delot & Fabrice Bousteau)

Memento, Espace Départemental d’Art Contemporain, Auch, France, Mutations (commissariat : Karine Mathieu)

2020

Shivers Only lockdown venue, Chantemanche, France, Stay safe! (commissariat : Shivers Only)

2019

Material Art Fair, Mexico, Mexique (avec Chez Mohamed)

2018

Domaine Vranken Pommery, Reims, France, L’Esprit Souterrain (commissariat : Hugo Vitrani)

Ceysson-Bénétière, Paris, France, Scar/Face (commissariat : Hugo Vitrani)

2017

Académie de France à Rome / Villa Medicis, Rome, Italie, Aria di Roma in Swimming is saving (commissariat : Chiara Parisi)

Accademia di Belle Arti di Roma, sede di Campo Boario, Rome, Italie, High Noon (commissariat : Adrienne Drake, Sarah Linford & Donatella Saroli)

Istituto Svizzero di Roma / Villa Maraini, Rome, Italie, Young Popes (commissariat : Latvian Institut Rome)

Ex-GAM, Bologne, Italie, Live Arts Week (commissariat : Xing)

Galleria Nazionale d’Arte Moderna – GNAM, Rome, Italie, Sensibile Comune
(commissariat : Ilaria Bussoni, Nicolas Martino & Cesare Pietroiusti)

2016

Palazzina dei Giardini, Galleria Civica di Modena, Modena, IT, Millenovecentottantaquattro (commissariat : Pietro Rivasi)

Rabouan-Moussion, Paris, Retiens la nuit (commissariat : Hugo Vitrani)

Galeria de Boavista, Lisbon, PT, Aujourd’hui je dis oui (commissariat : Aujourdhui.pt)

2015

Robert Blumenthal, NY, USA, Making an entrance (commissariat : Lvl3)

CO2, Torino, IT, Club of Matinée Idolz Bryce Wolkowitz, NY, USA, Dérive(s) (commissariat : Romain Dauriac)

2014

Jeanrochdard, Paris, To the happy few

LVL3, Chicago, USA, Rendering Emblems

Jeanrochdard, Paris, Ce qui arrêtait ces dames

2013

Art Brussels, Bruxelles, Belgique (avec A.L.I.C.E.)

M1886, Ankara, TR, Des maisons vides ne font pas une ville

2012

Nosbaum & Reding, Luxembourg, LU

Jeanrochdard, Paris, Close Encounters

Domaine départemental de Chamarande, Salons – convivialité, écologie et vie pratique (commissariat : COAL)

Kulturhuset, Stockholm, SE, Street Smart – en tolerant samtidskonstutställning

Art Copenhagen, Copenhague, Danemark (avec A.L.I.C.E.)

2011

FIAC, Paris (avec le FMAC, Fond Municipal d’Art Contemporain de la ville de Paris, acquisitions 2011)

Galerie de l’Ecole nationale supérieure d’art de Nancy, ENSA, A new idea of landscape (commissariat : Samuel François)

Art Brussels, Bruxelles, Belgique (avec A.L.I.C.E.)

Jeanrochdard, Paris, Vertigo

2010

Room galleria, Milan, IT, Renato Leotta – Olivier Kosta-Théfaine – Samuel François

2009

Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, Né dans la rue, Graffiti (commissariat : Thomas Delamarre)

Centre Culturel Tchèque, Paris

2008

MU, Eindhoven, NL, Fundamentals (commissariat : Jeroen Jongeleen)

Galerie de l’École superieure d’art de Metz, ESAM, Metz, Zero gravity

Art Brussels, Bruxelles, Belgique (avec A.L.I.C.E.)

2007

Art Brussels, Bruxelles, Belgique (avec A.L.I.C.E.)

2006

Art Brussels, Bruxelles, Belgique (avec A.L.I.C.E.)

2003

Palais des Pyrénées, Pau, Public images (commissariat : Festival Acces-s)

2002

De Appel, Centre for Contemporary Art, Amsterdam, NL, Unicura 2 (commissariat : Jeroen Jongeleen)

Les_33 / Het Wilde Weten, Rotterdam, NL (commissariat : Jeroen Jongeleen)

2001

Povazska Galeria Umenia, Zilina, SK

2000

Galerie du Château de l’Etang, Saran

1999

Centre d’Art Contemporain, Rueil-Malmaison

1996

La Laiterie, Centre Européen de la Jeune Création, Strasbourg

2020 / 2022

Domaine Vranken Pommery, Reims, France

2017

Uppsala Kommun, Uppsala, Suède

2013

FDAC, Fonds Départemental d’Art Contemporain de l’Essonne, Chamarande, France

2011

FMAC, Fonds Municipal d’Art Contemporain de la ville de Paris, Paris, France

2018-2021

ECHODESVAGUES, L’Île d’Yeu, France, Une Île

2016

Noire Gallery, Turin, Italie, Idéale Géographie

2015

Galerie Derouillon, Paris, France, Idéale Géographie
Le Moulin du Roc, Niort, France, Idéale Géographie

2018

Mécènes du Sud Montpellier-Sète, Montpellier, France

2016-2017

Académie de France à Rome / Villa Medicis, Rome, Italie

2012

Institut Français d’Ankara, Ankara, Turquie

2009

Cripta747, Turin, Italie
Chapelle des Calvairiennes / Le Kiosque, Mayenne, France

ALMOST SEUL-TOUT -  An exhibition by Olivier Kosta-ThéfaineALMOST SEUL-TOUT - An exhibition by Olivier Kosta-Théfaine14/03/2024 - 04/05/2024Avant-propos32, rue des Bons Enfants - 76000 Rouen
« Aria di Roma »Par Chiara Parisi
L’air sculpte les idées des artistes. Partout différent, il se manifeste sous forme de vent chaud, de brise, de courant glacial, perceptible aussi bien physiquement qu’émotionnellement. On a même essayé d’en capturer l’essence. Le paradoxe de Marcel Duchamp – il y a bientôt un siècle – de recueillir dans une ampoule en verre l’air de Paris reste parmi les expressions les plus radicales et symboliques de la révolution conceptuelle de l’art contemporain. L’air peut coïncider avec l’atmosphère – la température – d’un lieu et, par extension, avec la notion de genius loci. La dimension strictement climatique ou météorologique influence la perception d’un territoire déterminé et conditionne les comportements, les attitudes, les actions et les états d’âme de ceux qui y vivent. Saisir cette correspondance entre l’espace physique et l’esprit d’un lieu n’est pas donné à tout le monde ; le genius loci est, par définition, fuyant, et parfois extra-ordinaire. Au cours de sa résidence à la Villa Médicis, entre 2016 et 2017, Olivier Kosta-Théfaine s’est mis à l’écoute de la ville de Rome, et en a restitué le calque de ses aspects les plus intimes. Au détriment de ceux qui pensent que seul le regard des natifs saurait cueillir l’essence d’un lieu, c’est bien souvent l’absence de familiarité qui permet d’apercevoir les détails cachés et ces éléments que l’accoutumance à un paysage empêche la plupart du temps de saisir. C’est ainsi que, grâce à la sensibilité de l’artiste, des fragments de réalité et d’atmosphère s’étendent jusqu’à prendre des formes inattendues. Olivier Kosta-Théfaine a capitalisé au mieux cette habitude temporelle avec la ville de Rome. Ce qu’il a produit a justement été rassemblé sous le nom d’Aria di Roma, une série d’œuvres profondément hétérogènes d’un point de vue formel ; comme si l’artiste avait agi sous l’impulsion d’une entité autre. En vérité, son approche, ainsi que l’attitude qui relie entre elles les différentes œuvres, sont parfaitement reconnaissables : l’attention particulière pour les objets marginaux ; leur transformation vers une apparence et une fonction différente de celle d’origine ; le paysage urbain comme source primordiale d’inspiration. Des notes en marge des explorations, des annotations fugaces recueillies lors de promenades et modelées ensuite en atelier. L’Aria di Roma prend, pour Olivier, la forme poétique de vases et récipients recouverts de coquillages et caractérisés par une coloration proche du Bleu Ercolano, mais chargé des réverbérations des campagnes romaines. L’Aria di Roma est la reproduction « Made in China » d’un ciel romain au coucher de soleil, ou d’un couple de peintures suggérant l’ombre douce d’un vitrail quadrilobe. C’est une étagère IKEA réalisée à partir du bois des grands pins parasols de la Villa Médicis, et puis encore des concrétions de matière issues d’un chantier imaginaire, des fragments… Olivier Kosta-Théfaine a reconstruit un portrait de la ville qui est à la fois aérien, liquide, et concret. Un portrait poétique et quelque peu déglingué, rafraichi par le « Ponentino »1soufflant des périphéries – un autre élément fortement inspirateur pour cette série d’œuvres. Aria di Roma est un travail stratifié, et contaminé. Et il ne pouvait en être autrement : Rome avec son paysage transversal, parfois décadent est tout aussi stratifiée et contaminée. Dans une attente éternelle.
« Diviser c'est détruire »Par Julien de Fronsacq
Regarder la ville d’une manière différente, l’observer en détail. C’est le principe de mon travail, les choses que les autres ne regardent pas ou négligent_ Olivier Kosta-Théfaine, 2015 Olivier Kosta-Théfaine revendique un parcours en marge. De cet horizon périphérique, de ce décentrement, il en déduit le récit de son apprentissage et une œuvre singulière. Aria di Roma est le résultat d’un récent séjour de douze mois à Rome, une ville patrimoniale dont l’histoire est intimement liée à celle du musée. Si nombre de ses œuvres font référence aux conventions artistiques classiques, certaines sont soumises à la corruption à l’instar des nombreux gestes de vandalisme que l’artiste se plaît à mettre en scène. On pourrait voir là un maniérisme galvaudé qui procéderait par une juxtaposition iconoclaste des codes, sociaux et culturels, haut et bas. Il conjugue paysage aristocratique et terrain vague, nobles ornements et incivilités de cages d’escaliers. Je pense notamment aux jardins à la française composés de verre brisé (Jardin, Cour d’honneur du Musée Cognacq-Jay, 2011) ou les plafonds décorés à la flamme d’un briquet comme ceux des coupoles de 1937 du Palais de Tokyo (Soffitto, Palais de Tokyo, 2016). « J’ai à plusieurs reprises créé des œuvres qui évoquent le végétal. Il y a quelques années, à Besançon, j’avais tenté d’établir une cartographie par les fleurs : je me rendais à la périphérie de la ville cueillir des fleurs sauvages. Il en résultait des bouquets champêtres qui portaient le nom des cités que je visitais : des lieux déconsidérés parce que trop éloignés ou dangereux dans lesquels les gens ne vont pas. » Olivier Kosta-Théfaine De l’herbier au musée, en passant par la cartographie, l’artiste s’intéresse à la façon dont les formes sont classées ou déclassées, à la manière dont celles-ci sont arrachées à leur contexte et accèdent ou non au statut de fragments précieux. En 2012, l’artiste avait conçu une très belle installation in situ pour l’Abbaye de Maubuisson en forme d’un alignement de colonnes d’architecture, chacune différente et toute orpheline de son contexte d’origine. La disposition de ces éléments en ligne évoquait autant le vocabulaire autoritaire de l’art minimal que celui d’une galerie comparée d’un musée dans lequel on observerait une compilation d’objets répertoriés selon une même typologie.
Olivier Kosta-Théfaine est en fait loin de se cantonner à un collage de formes culturelles éclectiques tant il éprouve les mécanismes de sélection dont le musée encyclopédique est justement le théâtre. Le vandalisme et la violence ne sont pas anodins et dépassent l’évocation d’une situation sociale. L’histoire du musée est justement partagée dès son origine entre les appels à la sauvegarde contre le vandalisme révolutionnaire et l’arrachement violent d’un objet à son contexte. Nommé en 2016 pensionnaire de la Villa Médicis, il trouve en Rome un environnement idéal dont l’histoire est intimement liée à celle du musée européen. L’ancien graffeur devenu arpenteur du milieu urbain contemporain doit au pionnier de la discipline. Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy (1755-1849), célèbre archéologue français né en pleine antiquomanie favorisée par les découvertes d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748), est aussi le contemporain de la création révolutionnaire du Musée le Louvre (1793). Ayant visité l’Italie et notamment sa capitale en 1776, vingt ans plus tard il s’oppose aux saisies napoléoniennes, à leur rappatriement au Louvre et déclare « Diviser c’est détruire ! ».
Pour Olivier Kosta-Théfaine la légitimité culturelle qui fonde un bien culturel procède aussi d’une forme de violence, celle d’une organisation verticale qui divise nos représentations symboliques, notre imaginaire. En 2013, l’exposition justement intitulée En flânant à la galerie Jeanroch Dard rassemble les traces de dérives péri-urbaines et des instruments muséologiques. Deux ans avant, dans la même galerie déjà, Souvenirs des Indes, une œuvre en forme de table vitrine composée d’une série de fragments minéraux trouvés dans une cité HLM éponyme (en réalité des blocs de béton, vestiges de barres dynamitées) évoque certaines zones de nos villes que l’on tente de dissimuler, interdites de représentation.
Quelques années plus tard, son exposition à la Villa Médicis Aria di Roma comprend en première partie une grande installation intitulée Dix petits monuments (2017), un ensemble de mobiliers de jardin – pots, jardinières, vasques – d’une unique couleur recouverts de coquillages. On pense bien sûr aux nobles styles grotesques des grottes artificielles, ou encore rustiques des décors naturalistes en relief. Féru de promenades et de collectes, l’artiste a récolté ces coquilles marines dans les environs d’Ostie. Ostie est une ville balnéaire située dans la lointaine banlieue de Rome et homonyme d’une cité antique riche en vestiges portuaires en raison de son emplacement privilégié, le long du littoral et à l’embouchure du Tibre. Avant Olivier Kosta-Théfaine, Robert Smithson (1938-1973) s’intéresse à la dérive en périphérie des villes. Il en réalise une bien connue dans Passaic, une ville industrielle à la périphérie de New York, à l’issue de laquelle il rédige un article dont le sous-titre est « Passaic a-t-elle remplacé Rome en tant que Ville Éternelle ? ». A la suite de Quatremère, Robert Smithson contribue, deux siècles plus tard, aux débats sur le musée. Dans Some Void Thoughts on Museum (1967), le musée, ayant pour mission de représenter le temps abstrait dans un espace physique, se trouve écartelé entre les dimensions spatiale et temporelle. Le musée, toujours lacunaire, est ponctué de manques chronologiques comme autant de vides épistémologiques. Comme son prédécesseur, Robert Smithson a séjourné à Rome. L’affiche de son exposition à la galerie L’Attico en 1969 – un an après son texte sur les non-sites – représente un camion au sommet d’une colline déversant le contenu d’une benne pleine de goudron. Le jeune Smithson conçoit préalablement une exposition dans la galerie George Lester (1961). Smithson relie la présence écrasante du tourisme, le fragment pétrifié et la classification mortifère et emploie la métaphore de l’entomologie pétrifiante et obscène : « Mes tableaux sont exposés comme les parties intimes de papillons contre des murs de glaçons ». Petits monuments dont le titre évoque une valeur culturelle modeste et leur qualité plastique, les jardins populaires et leurs petits arrangements bricolés. Par un décor réalisé en mortier recouvert d’une peinture industrielle à la couleur vive, son auteur, de retour de sa promenade sur le littoral romain, rend hommage aux formes appauvries, kitsch, qui se sont multipliées à l’heure de l’industrialisation généralisée. Au tourisme de masse qui galvaude l’expérience sublime de la ville-musée, Olivier Kosta-Théfaine qui se refuse au désenchantement répond néanmoins avec distance et lucidité. Frappé par le contraste entre le commerce du souvenir touristique et la puissance du ciel romain, il commande dans une ville chinoise, spécialisée dans la reproduction à la peinture à l’huile, un tableau très romantique de ciel romain qu’il a photographié (Cielo (Dafen), 2017). Le sublime romantique est désormais sous le coup de sa saisie technique, de son exploitation industrielle et de sa reproductibilité photogénique. Dans la seconde salle de son exposition, un ensemble d’œuvres de différents styles. Au sol une étagère et des fragments ; au mur le tableau du ciel romain, des œuvres abstraites et un diptyque monochrome, intitulé Neuilly-Sarcelles (2017). En lien avec l’histoire de la Villa Médicis, le titre reprend une description acide que l’écrivain Hervé Guibert, ancien pensionnaire, en avait fait, notamment de l’organisation du domaine entre la partie historique et les maisonnettes modernes construites en série au fond du domaine. Les deux monochromes sont deux toiles teintes à l’aide d’une décoction d’écorce de pin parasol et de fleurs de laurier. L’artiste espérait un résultat chromatique qui révélerait le clivage social commun à la Villa et à la banlieue parisienne. Contre toute attente, les tons se sont avérés équivalents. Les fragments sont tous dispersés au sol, mais appartiennent à des registres culturels différents : un morceau de béton, un bout de sculpture classique et quelques tessons de céramiques antiques. Au centre, une œuvre reprend les dimensions standards d’une célèbre étagère de marque suédoise. Elle est la reproduction d’un meuble qui se trouvait dans l’appartement de la Villa attribué à l’artiste et qui contrastait avec les décors du célèbre directeur et peintre Balthus. Olivier Kosta-Théfaine propose à son tour de meubler la Villa. Pour ce faire, il reproduit simplement le meuble trouvé avec le bois d’un arbre abattu dans le parc, un noble pin parasol planté à l’époque où un autre peintre ancien résident était devenu directeur, Ingres (1780-1867). A la manière d’une concrétion géologique hétérogène, il en résulte une œuvre qui malmène notre système de valeurs culturelles : local et international, industriel et naturel, manufacturé et artisanal, noble et vulgaire. C’est que l’artiste porte un grand intérêt au détail apparemment dépourvu d’intérêt en dehors autant que sur son propre lieu de travail. Lors de son séjour, il commence une série produite au spray sur toile de lin laissée libre. La série de peintures dessine une filiation singulière, minimale, qui a cherché à s’affranchir du tableau et du pinceau. Les couleurs pourraient évoquer celles de Charlotte Posenenske (1930 – 1985), le geste celui de Martin Barré (1924 – 1993), et le support délaissé de son châssis celui de Giorgio Griffa(1936). Sans titre (Porta Portese) (2017), relevé minutieux de traces de peinture au spray trouvés sur les murs dans la partie mécanique et automobile du marché aux puces, est un magnifique hommage aux traces anonymes de ceux qui – le dimanche – à l’heure du loisir tentent d’entretenir par eux-mêmes leur véhicule. Olivier Kosta-Théfaine renvoie cette histoire de la peinture à des signes quasi invisibles qui ornent nos villes indices d’usages populaires. Parallèlement il récupère dans une usine un « martyre », un support portant les traces de peinture de pièces mécaniques. Olivier Kosta-Théfaine s’inscrit dans une histoire de la peinture dont l’apogée se trouve dans les années 1960-70, période de croissance et d’inflation, âge d’or de l’immigration, qui nécessite une construction rapide de logements collectifs. Au-delà de sa propre jeunesse, l’artiste est attentif à cette histoire sociale, il en cherche les hauts lieux à Rome. Le Corviale, parfois appelé « Palais Kilomètre » (Palazzo Chilometro), est un immeuble situé au sud-ouest de la ville qui mesure 957 mètres de long. De cette architecture monumentale inspirée des cité radieuses corbuséennes, il en présente un fragment de béton traversé de barres métalliques. Ainsi exposé, ce morceau de béton, d’un logement collectif d’envergure, devient la relique d’un projet moderne, aujourd’hui en crise, une relique présentée au même niveau que des fragments de la Rome antique et classique. Olivier Kosta-Théfaine crée donc un système conceptuel qui lui permet de relier des pans de l’histoire que le musée d’art ne parvient pas à embrasser.
Dessinant une chronologie singulière, il invente une nouvelle forme de monument inattendu et éclectique qui réconcilie les victoires et les défaites, les grandes figures et le commun, reliant des formes nobles et populaires, des objets oubliés ou gestes anonymes.
« I'm a Sartrouvillois, baby ! »Par Olivier Kosta-Théfaine
Banlieue ouest. Et ce, depuis que je suis gamin. En 34 ans j’ai eu le temps d’observer mon quartier, ses codes et ses changements. "Hey, where do you come from ?" "I'm a Sartrouvillois, baby !" Je ne suis pas un parisien, je suis un banlieusard, et je porte cette étiquette comme on porte une particule. Je suis un pur produit de la banlieue. Je suis né sur une terre exotique aux limites de Paris, au-delà du périf'. Ma merco s'appelle Rer A, bus 272 ou n° 9, au choix. Entre campagne et béton, dépaysement assuré. Je viens d'un pays ou la mixité est reine, comme un samedi après-midi à Châtelet : du bling bling et de la couleur, de toutes les couleurs. Rien de triste dans les banlieues, les ghettos portent des noms de fleurs et le samedi soir, on brûle les voitures à la manière d'une fête de quartier. Observer les cités c'est être sensible au verre brisé des abris bus qui jonchent l'asphalte comme des milliers de petits diamants coupants, alors que le fil de fer barbelé qui protège l'entrepôt de La Poste se transforme en centaines d'étoiles que font scintiller les néons des lampadaires alentours. Indéniablement, la banlieue c'est de la poésie, de l’art brut. Du "fuck", du "nik", et du "tamer" qui se déclinent au marqueur sur les murs ou sur les sièges des bus. La fantaisie, quant à elle, est dans les « looks », ceux de la nouvelle génération ont mixé le style prolo anglais au banlieusard français : coupe de cheveux à la Beckham, jeans de marque italienne et baskets rétros, le "style" est aussi sur les bras encrés des plus vieux, tatouages oldschool exécutés à l'aiguille et à l'encre de Chine, et chaussettes de sport sous un pantalon de flanelle. Je viens d'un endroit où les mecs squattent les halls, tiennent la cité. Des ateliers déco dans les cages d'escalier s'organisent : la flamme d'un briquet sert à s'exprimer en vers sur les plafonds ou à customiser les containers dans le local poubelles, à voir. Ma ville incite au rêve : elle est « first prize » : ville fleurie trois étoiles, et la grosse cité du coin s'appelle Les Indes, pas vraiment une carte postale de vacances : pas de maharadjah ou de palais des mille et une nuits… Un manège à chevaux s'est installé non loin de l'ancienne ferme, près de la voie de chemin de fer. Mais pour un ultime rodéo, un pavé dans un carreau et savoir faire les fils feront l'affaire. Mon bâtiment c'est ma fierté, je suis un vrai supporter de ma Villa Daumier : Mon béton c'est ma vie, et même si les liens que j'entretiens avec lui sont ambigus, je l'aime, je le revendique et je le défends. Ma tour c'est aussi une Nike Town : être impeccable, en toute occasion de la tête aux pieds, du sportswear à tous les étages, du sigle et du swooch. Le grand centre commercial du Plateau vend du rêve bon marché : s'y promener ne coûte pas un kopek, et donne l'illusion d'échapper au quotidien. Le spectacle ultime : observer ce qui fait envie : un rêve éveillé qui ne ruine pas. Et puis, des jardins ouvriers installés aux pieds des immeubles permettent aussi de s'accorder de longs dimanches bucoliques et ensoleillés à la campagne. Rien de triste dans les banlieues, juste un paquet de clichés, et peut être aussi un véritable sentiment d'abandon pour ceux qui habitent de l’autre côté du périphérique."
« Cette sorte de sourire que sont parfois aussi les fleurs au milieu des herbes graves »Par Guillaume Lasserre
« Cette sorte de sourire que sont parfois aussi les fleurs, au milieu des herbes graves ». Le titre, emprunté à l’auteur suisse Philippe Jaccottet, est aussi poétique qu’énigmatique. Derrière lui se cache la première exposition rétrospective des œuvres d’Olivier Kosta-Théfaine. Pour le Hangar 107 à Rouen, l’artiste a réuni un ensemble représentatif de pièces originales ou réinterprétées qui ont jalonné sa carrière jusqu’à aujourd’hui, tout en prenant soin d’en proposer des nouvelles. S’il pose, pour la première fois, un regard rétrospectif sur vingt-cinq ans d’une production plastique singulière, il offre aussi la possibilité d’embrasser une production jusque-là présentée de façon éparse. Et c’est dès l’entrée du centre d’art, dans cette antichambre qui sépare le lieu d’exposition du monde extérieur, qu’il intervient en appliquant de façon obsessionnelle et aléatoire la flamme d’un briquet sur la totalité de la surface du plafond. Celui-ci se couvre alors de motifs abstraits pour composer une symphonie visuelle. Olivier Kosta-Théfaine vient du graffiti, un art issu des banlieues, comme lui. Il incarne une sorte de transfuge de classe artistique. Passé de la rue à galerie, il choisit comme outil le langage populaire, applique à la création plastique les codes du vandalisme, trop souvent associés à l’oisiveté des jeunes de cités. Dès 2005, il s’applique à réaliser des plafonds brûlés au briquet, à la manière de « ceux qui squattent les cages d’escaliers ». Cependant, le résultat est envisagé d’un point de vue artistique. Il est validé, admiré, par ceux-là même qui le dénoncent comme une méthode de dégradation lorsqu’elle s’opère dans les immeubles de banlieue. « Souvenirs des Indes » (2011), œuvre sous vitrine dans laquelle se percutent urbanisme et exotisme, vient confirmer cela. Présentés comme des objets précieux, les morceaux de béton proviennent en fait des décombres d’un bloc d’immeubles HLM, la cité des Indes, dynamité en 2010. En les rendant inaccessibles, ils les sacralisent, suscitant la curiosité du visiteur pour mieux le confronter à une réalité qui n’est pas la sienne, celle de la relégation des espaces périphériques. Originaire de Sartrouville, l’artiste exprime le rapport ambigu qu’il entretient avec sa ville, entre attrait et aversion, dans « Supporters » (2005), onze écharpes de supporters aux noms et aux couleurs des cités du Plateau à Sartrouville. Les Indes, le Théâtre… Soutenir coûte que coûte sa cité, la défendre jusqu’au bout, à la manière de l’ultra qui supporte son équipe de foot, qui, quoi qu’il se passe, portera toujours fièrement ses couleurs. Avec elles, on accède à la salle d’exposition du Hangar 107. Tout à côté, s’exprime l’immense poésie des « Paysages de banlieue », ensemble d’œuvres sur papier de grand format montrant non pas des arbres mais le souvenir de ceux-ci, en l’occurrence des marronniers, réminiscence de l’adolescence de l’artiste à travers ce qu’il voyait depuis la fenêtre du salon. En effaçant tout autre présence urbaine (parking, voies de chemin de fer…), il invente une banlieue bucolique, paisible dont seules la couleur sépia et les craquelures du papier – chaque arbre est dessiné à la flamme du briquet – témoignent des difficultés d’une vie de banlieusard. Cette résurgence de l’adolescence se manifeste encore dans « Sans titre (Villa Daumier) » où l’artiste recrée le papier peint rayé qui habillait les murs de sa chambre d’alors. Neuf traits gris sont nécessaires pour un trait de couleur. Celui-ci répond aux couleurs primaires : bleu, vert, rouge, jaune. Inlassablement, les rayures se répètent dans cet ordre précis. Lui faisant face, l’inédit « Sans titre (jardinières) » (2020) propose pour uniques bancs aux visiteurs de l’exposition, des jardinières de béton, les mêmes que celles qui sont omniprésentes en banlieue, où mauvaises herbes et débris divers ont remplacé depuis bien longtemps la moindre fleur. Ces jardinières font souvent office de point de rendez-vous, pour boire une bière, fumer un joint. Elles nous conduisent ici jusqu’au mur du fond rythmé par des cadres renfermant « L’esprit souterrain, se poser parmi les fleurs » (2018-2020). Cette moquette, ou plutôt les fragments de celle-ci, dont les motifs floraux sont empruntés au design des strapontins et des sièges des trains de la ligne A du RER à Paris, celle-là même qui dessert Sartrouville, était initialement installée dans les caves du Domaine Pommery qui en est le commanditaire. Condamnée à la disparition en raison de ses conditions d’exposition - une température trop basse, un taux d’humidité maximal, le passage permanent des visiteurs -, elle se donne à voir dans une version, vieillie, tachée, salie, mémoire d’une année dans les caves du célèbre vignoble champenois. Cet état dégradé convoque par sa similitude les souvenirs enfouis du dernier RER. Celui que l’on prend pour rentrer chez soi s’inscrit en milieu hostile. Contourner les embuches semble le lot quotidien du banlieusard nocturne. Les actes de vandalisme sont courants. Ironiquement, les vestiges de la moquette mise à mal par des curieux amateurs de champagne correspondent traits pour traits aux restes de celle vandalisée dans le RER. Les apparences sont trompeuses. Olivier Kosta-Théfaine aime s’en saisir pour instiller le trouble. Pas d’inquiétude cependant ici, bien encadrées et accrochées au mur, les reliques deviennent œuvres d’art. Sur le mur d’en face se distingue la trace évanescente laissée par le noir de fumée, ce qui reste d’un feu de poubelle, le délicat stigmate d’un acte violent, connoté. De la destruction nait une forme de fragilité, l’élégance de l’infinie nuance d’un dégradé qui s’invente dans le noir de fumée. L’exposition s’achève sur un ensemble de cartes postales consacrées à Sartrouville, toutes plus incongrues les unes que les autres tant la commune ne regorge d’aucune attraction touristique. La banlieue s’étend indifféremment sur des kilomètres. Son pouvoir d’attraction semble limité, inexistant si on le compare à celui, démesuré, de la ville qu’elle ceinture. Elle en constitue l’éternelle marge, celle-là même sur laquelle l’artiste propose de poser un autre regard, comme avec ces cartes postales imaginées avec beaucoup d’humour et d’amour pour la ville qui l’a vu grandir. Elles témoignent de cette attention constante d’Olivier Kosta-Théfaine à ramener la périphérie vers le centre.
InterviewMemento, espace départemental d'art contemporain, Auch (Gers, France), 2021
Mutations, TeaserMemento, espace départemental d'art contemporain, Auch (Gers, France), 2021